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Avec son nez crochu, il passait son temps à renifler le doux feuillage qui s’éparpillait comme une rivière sur les landes abandonnées.
Avec ses yeux d’un vert perçant, il scrutait l’horizon et en dévorait les limites.
Avec ses jambes de géant, il passait d’un continent à l’autre avec une délicatesse infinie.
Avec des bras trop grands pour lui, il ne savait que faire.
Il s’ennuyait.
Et en plus il était immortel.
Mais à quoi bon être immortel avec un nez crochu, des yeux d’un vert perçant, des jambes de géant et des bras trop grands ?
Sans oublier son visage parsemé de boutons d’un rouge écarlate qui faisait même fuir les animaux sauvages.
Aucune vie sociale.
Une vie d’ennui.
Et une solitude démesurément trop grande pour lui.
Il s’adressa alors à la fée « Jolicoeur », son unique amie et se mit à lui déclamer une longue plainte qui se transforma en des pleurs gigantesques. Ceux-ci gonflèrent le niveau des fleuves et inondèrent la terre entière jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un immense océan.
C’est ainsi que se termine l’histoire de ce bien étrange personnage...
Mais non… vous suivez ou non ?
Je ne vous avais pas dit qu’il était immortel.... ?
Quelque part en ville, bien des siècles plus tard.
La fée a propulsé notre bonhomme sur un nouveau chemin, dans un costume de jeune-homme et un corps d’athlète. Rien à redire côté physique cette fois-ci, il assure ! Il vit de petits boulots, fait ses courses au supermarché comme tout le monde, va au ciné, possède son appartement, mais n’a ni famille ni amis.
Car quelque soit le lieu et le siècle où il soit envoyé par la petite fée, il est dit que ce personnage-là restera seul. C’est son destin mais aussi le drame de sa vie. Il faut dire qu’un immortel parmi les mortels, ça fait un peu peur... et les gens le sentent différent. Ils ne s’en approchent pas. Un bonjour, pas plus. Mais c’est tout de même un peu mieux que du temps où il vivait dans la nature. Son physique n’est plus ingrat.
Cela dit, il manque toujours d’amour, d’affection et ce besoin d’exister aux yeux des autres. Peut-être parce que les autres ne savent pas non plus ce que c’est que d’exister, de donner. Les gens se croisent, vivent leur vie, continuent leur chemin mais ne partagent rien. Et c’est comme cela depuis des siècles. Et je peux vous dire que depuis tout ce temps, il a appris à le connaître, le genre humain…Et à faire le constat que, depuis des lustres, les gens se voient sans se voir, se parlent sans se parler, se croisent sans se croiser, mais ne s’arrêtent pas...
« Pas étonnant qu’ils se demandent tous d’où ils viennent et où ils vont... se dit-il un jour. Ils ne prennent pas la peine de le faire. Ils courent, toujours, se plaignent de leur sort, râlent, mais après quoi, et surtout pourquoi ? Ils ont un regard triste, une vie égoïste, même les enfants ne savent pas s’amuser. Ils passent mais ils ne SONT pas. »
Alors, pour qu’au moins une fois par an il y ait un jour agréable, où chacun se pose, se réunisse, retrouve paix, joie, émerveillement et partage, il inventa au fil des siècles une histoire pour les enfants et les parents. Au début ce fut un peu difficile à mettre en place, mais petit à petit, les gens prirent goût à cet évènement (et les commerçants aussi, mais ça ne fait pas partie de mon récit..). Ce jour là fut le jour de la paix, de l’amour, de la famille et de la tendresse.
Vu qu’il était seul et passait inaperçu, notre petit bonhomme se faisait un plaisir fou de se transformer alors une fois par an en un personnage féérique, et déposait quelques présents au pied d’un sapin ou d’une cheminée...
Et lui dans l’histoire ? Il y trouva son compte aussi, puisqu’enfin les enfants demandaient après lui (les adultes un peu moins, je vous le concède), et c’est ainsi que son statut fut valorisé d’années en années....
Sauf que là, ça fait des une éternité que son histoire existe, et notre bonhomme se demande encore combien de temps il va falloir qu’il travaille au corps le genre humain pour que les gens acceptent enfin de donner, partager, offrir, aimer TOUS LES JOURS DE L’ANNEE.... car « Noël n'est pas un jour ni une saison, c'est un état d'esprit (Calvin Coolidge) »