La confrérie des résistants du Merveilleux
(2ème partie et fin)
« C’était une nuit de Noël bien étrange.. J’étais enfant. Mes parents et moi avions organisé en secret une vraie nuit de Noël, au fond d’une cave, malgré l’interdiction formelle de le faire, bien entendu. Les tuyauteries faisaient office de guirlandes et une vienne antenne télé, de sapin.
- une antenne de télé ?
- Oui, cela servait à recevoir des émissions, des images si vous voulez, c’était une ouverture sur le monde.. enfin, bref, ce n’est pas le principal.
Nous avions décoré la pièce de vieux draps, et avec notre imagination, nous avions réussi à reconstituer une vraie ambiance de Noël.. Mon père nous avait demandé de fermer les yeux un instant et nous évoqua longuement ce qu’il avait entendu dire de son père, qui lui-même l’avait entendu de son père, etc ... bref, depuis des générations on s’appliquait chez les Bonenfant à raconter la féérie de ce qu’avait été un jour Noël : « Imaginez vous d’abord le décor, avait-il dit : des rues enneigées, des sapins de Noël pétillants de vie dans chacun des foyers, et de nombreux chaussons au pied de grandes cheminées ornées de guirlandes..
- oh, c’était comme ça avant ?
- Tais toi Charlotte, ferme les yeux et écoute le docteur Bonenfant.. et laisse toi guider par ses mots..
Il reprit alors, amusé. Les yeux de ses hôtes scintillaient déjà...
« Donc, ce jour là, dans notre modeste cave, après avoir écouté mon père, nous nous sommes tous envolés.. oui, envolés vous dis-je vers le Merveilleux. Nous avons tous été transcendés par cette force et cette énergie qui nous avait enveloppés. Là, nous nous sommes retrouvés sur une montagne majestueuse, toute de blanc vêtue, et le soleil réchauffait nos mains.. »
- Le soleil ?
« Oui, le soleil, mesdames. Parce que le soleil existe. La chaleur existe. La joie existe. Il faut simplement que vous la recherchiez en vous. C’est une quête vers le bonheur extrême, un retour à la vraie vie. Les miracles existent. Mais ils n’arrivent pas seuls. Il faut un peu les provoquer. Les Urbanus nous font croire que tout cela n’existe pas pour mieux nous contrôler. Mais vous, Mesdames, vous n’êtes pas dupes, vous donnez la vie, et la vie c’est le soleil. IL est en vous. Il ne demande qu’à renaître ; rappelez-vous que l’on peu s’envoler, cela m’est arrivé. Mais j’ai ouvert les yeux trop tôt. Lorsque vous le ferez, n’ouvrez pas les yeux tant que vous ne vous sentez pas totalement envahi par la liberté. «
- Comment on le saura ?
« Il suffit d’écouter son corps, d’écouter son cœur, de se souvenir de ces Noëls de jadis. Alors, et à ce moment-là seulement, vous aurez gagné, vous annoncerez cela à vos maris, vos enfants, vos voisins, et ils feront de même. Et la vie vaincra. Et Terra sera libre. Ce soir je vous demande une dernière chose, allez dans les caves, recréez cette ambiance de Noël et envolez vous avec vos proches ».
Lorsque toutes ces femmes sortirent du cabinet du docteur, leurs yeux brillaient d’impatience et des larmes coulaient sur certaines joues. Le vieux docteur pensa alors que le miracle allait peut-être enfin se réaliser.
Et ce soir là, la population fut incontrôlable de bonheur. Seul, dans sa vieille demeure, le docteur entendit au loin des chuchotements indescriptibles pour la première fois depuis son enfance, émanant du fond des caves de chaque maison. Il se rapprocha de la fenêtre et vit alors un miracle se réaliser : le ciel était empli de petites formes voletant ici et là de chaque côté de la ville. Toutes ces petites formes avaient revêtu l’aspect d’une étoile et étincelaient dans la pénombre. Il pouvait mourir enfin, la révolte des résistants du Merveilleux avait commencé et demain le jour se lèverait enfin sur la nouvelle Terra et les Urbanus seraient déchus.