Il ya des lieux qui vous hantent, qui vous rongent la mémoire.... je voulais essayer de retranscrire ce théâtre de couleurs que je n’ai vu qu’une fois dans ma vie et qui marqua à jamais mon enfance et m’aida à ne pas murer mon côté artiste et rebelle, un lieu où j’aurais aimé fréquenter au 19ème siècle toute cette flopée d’artistes bariolés qui y ont un jour posé leurs pinceaux, leurs plumes et leurs vers sur ces rues pavées et abruptes avant de connaître la gloire.
Un parfum sépia de liberté, de gaieté
Sur ses cimes et jardins comme un frisson, flottant,
Des rues abruptes aux places à demi ombragées
Des éclats mouchetés de coloris, dansant.
Sur la place du Tertre ils ont tous ennobli
De leurs pigments bleutés des ciels tumultueux
Du Café Guerbois à l’Avenue de Clichy
Crayonnant d’allégresse les chemins boueux.
Trépieds au dos, toiles et tubes de pinceaux
Ils sont tout passés par la butte d’autrefois,
De l’huile au fusain, de Renoir à Géricault
Eclaboussant leur chevalet de grains narquois.
J’entends encore le bruissement de leurs doigts
Laissant échapper quelque relief pictural,
Rond-point des arts à main levée, traits maladroits,
Forêt bleue d’esquisses envolées sur leur toile.
De la rue des Saules à celle de l’Abreuvoir,
La fraicheur du petit village provincial
A vu Picasso et Utrillo s’émouvoir
Dans une litanie de désordre automnal.
Etincelle fauve qui embrase la vie,
Inondant la butte de touches bariolées
La magie des pinceaux aux longues draperies
A fait de Montmartre le plus bel atelier.
Atelier des artistes, berceau du « Bateau »,
Où peintres et hommes de lettres s’abritaient,
Il fut un temps où Montmartre était le radeau
D’une Méduse à notre mémoire, accrochée.