Là-bas, j’irai cueillir les éternelles lueurs
Au crépuscule doré des orangers en fleurs
Qu’une brise douce, sirupeuse et familière
Fait resurgir des pensées de la pierre.
Dans les ruelles parfumées de ces effluves sucrées
Je me glisserai au hasard d’un patio embusqué
Et me fondrai dans les azuleros décorés à la main
Dont l’infinie profondeur en mon âme déteint.
A Triana dans l’allégresse des nuits gitanes
Les frissons remontant Le Guadalquivir s’enflamment
Lorsque les palmas appuient les pas de danse
Et que le quartier tout entier entre en transe,
Des sentiments rougeoyant à fleur de peau
Sur mon visage se répandant et coulant à flot.
Et sous leurs mantilles les femmes à l’élégance sobre
Dévoilent toute la gracia d’un quartier pauvre.
Là-bas, j’irai cueillir les éternelles chaleurs
Et m’abreuverai de fino sous l’œil flatteur
Du cantaor dont le regard dans un tumulte partagé
Brillera en moi éternellement comme un secret.
J’ai semé à Triana des coplas écrites dans la solitude
Un soir où le Guadalquivir suggérait à ma plume
De s’épanouir au rythme d’un cante jondo
Quelque part là-bas dans le berceau du flamenco.
Et je l’ai senti, le Duende dans un profond abandon
M’envelopper de ses obsessions et de ses démons
Me foudroyer le corps dans une transe mystérieuse
Me laissant à terre, seule, nue et fiévreuse.
J’entends encore cette complainte murmurer à palo seco
Abandonnant mon âme à Triana, à l’ombre d’un patio.
Spectre de mes nuits chaudes et tourmentées
Triana vers toi, avant de mourir, je reviendrai.
Anne Fabregoul-Copyright Juin 2006